Da La Liberté | Avec la hausse des frais liés à l’asile, les cantons comme le Tessin craignent le pire pour leurs finances
«En ce qui concerne la migration, nous sommes la Grèce et l’Italie de la Confédération!» Norman Gobbi, chef du Département des institutions du Tessin, a un sens particulier de la géographie. Plus de 80% des migrants arrivant en Suisse passent par Chiasso. Ces arrivées commencent à peser sur les finances cantonales: rien que la gestion des requérants d’asile attribués au Tessin a entraîné un surcoût de plus de 5 millions de francs au cours du premier semestre de cette année.
Et c’est sans compter le centre temporaire créé fin août à Rancate que le canton doit cofinancer avec la Confédération. Il peut accueillir le temps d’une nuit jusqu’à 150 migrants ne souhaitant pas demander l’asile politique et qui seront reconduits en Italie. D’autres mesures à la charge du canton et de la Confédération, qui ne peuvent être dévoilées pour des raisons de sécurité, ont encore été adoptées.
Loyer mensuel à 650 000 francs
Afin de réduire les dépenses qui explosent, Norman Gobbi prône la protection des frontières avec une clôture virtuelle, grâce au travail coordonné des forces de l’ordre et un tri plus sélectif. «Les chiffres baissent, mais les gardes-frontière ont encore enregistré plus de 1300 arrivées entre le 15 et le 21 août, s’alarme le conseiller d’Etat. Les deux tiers de ces personnes ont été renvoyées en Italie. La plupart ne réclament pas l’asile en Suisse, mais veulent se rendre en Allemagne. Nous ne voulons pas devenir un couloir.»
En Valais, seconde porte d’accès au pays pour les migrants sans visa, Roger Fontannaz, chef de l’Action sociale à l’Office de l’asile, voit aussi les coûts monter en flèche. Les dépenses pour la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés sont passées de 42 millions de francs en 2013 à 48,7 millions en 2015. Le Nouvelliste rapportait récemment que le seul loyer mensuel pour loger les réfugiés et les requérants d’asile dans le canton s’élève à 650 000 francs.
Plus de coûts de personnel
«La population à prendre en charge est sans cesse croissante, ce qui engendre des coûts de personnel plus importants, lesquels
ne sont que partiellement compensés par les forfaits versés par la Confédération», souligne Roger Fontannaz. Des forfaits qui correspondent à un versement initial unique de 6000 francs aux cantons pour l’intégration et à environ 18 000 fr. par requérant ou réfugié par an.
Par ailleurs, les mineurs non accompagnés sont toujours plus nombreux. «Cette catégorie nécessite un encadrement et un suivi plus importants que les adultes, poursuit le Valaisan. Cela engendre encore des frais additionnels qui ne sont pas couverts par Berne.» Tout comme la prise en charge croissante de requérants ou de réfugiés vulnérables en institutions spécialisées, dont les coûts sont plus élevés que dans les structures ordinaires de l’asile. Et les frais de santé pour ces personnes sont en augmentation constante.
Les cantons frontaliers avec l’Italie ne sont pas les seuls confrontés à l’augmentation des dépenses liées à l’asile, puisque les requérants sont proportionnellement répartis dans les cantons selon leur population. D’ailleurs, en mai déjà, Vaud et Genève admettaient craindre devoir débourser pour 2016 quelques dizaines de millions de francs de plus que prévu pour l’asile.
Secrétaire générale de la Conférence des directrices et directeurs des affaires sociales (CDAS), l’organe qui coordonne la collaboration entre cantons dans le domaine de la politique sociale, Gaby Szöllösy constate que tous les cantons sont soumis à une pression grandissante: «La hausse du nombre d’arrivants, et le taux élevé, dépassant les 50%, de ceux qui sont reconnus comme réfugiés ou provisoirement admis, entraînent des frais croissants pour les cantons», assure-t-elle.
Une étude sur les coûts
Charles Juillard, président de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF), abonde. «Le forfait qui leur est attribué par la Confédération, inchangé depuis une dizaine d’années, ne suffit plus», soutient-il. Afin de trouver des solutions avec Berne, et d’avoir des chiffres pour appuyer les requêtes des cantons, le Jurassien a lancé une étude pour connaître plus précisément les coûts de l’asile.
De nombreuses nouvelles dépenses viennent se greffer aux charges cantonales, observe le ministre. Exemple: vu le nombre croissant de requérants et de réfugiés, les examens médicaux à l’arrivée dans les centres fédéraux sont devenus plus superficiels. «Dans certaines structures d’hébergement, des maladies ont été décelées, comme la gale, éclaire Charles Juillard. Rien de contagieux ou mortel, mais cela a suffi pour inciter plusieurs cantons à effectuer un second contrôle sanitaire auprès des nouveaux arrivants.»
De son côté, la Confédération voit elle aussi son budget 2017 grevé par les dépenses liées à l’asile, notamment à cause de l’augmentation attendue des forfaits destinés aux cantons pour l’aide sociale.