Invasion d’artisans italiens, chantier ferroviaire bloqué à la frontière, négociations fiscales avec Rome au point mort: les relations entre le canton et son voisin du sud s’enveniment à nouveau.
Le 5 juin, le Conseil d’Etat tessinois a évité de justesse un blocus bis des impôts à la source des frontaliers qu’il doit reverser à l’Italie d’ici au 30 juin. L’idée avait été relancée par le nouveau ministre léguiste, Michele Barra, successeur de Marco Borradori. Elle a été soutenue par son collègue de parti Norman Gobbi, mais rejetée par les trois autres conseillers d’Etat, dont le PDC Paolo Beltraminelli, qui avait accepté une mesure semblable en juin 2011.
Qu’est-ce qui a poussé les autorités à envisager de nouvelles représailles vis-à-vis de l’Italie? Plusieurs gouttes ont fait déborder le vase. En mai, on apprenait l’arrêt des travaux sur le chantier italien de la nouvelle ligne ferroviaire Mendrisio-Varese-Milan Malpensa. En cause, un problème de stockage des déblais contenant de l’arsenic naturel, pour lequel il semble qu’aucune solution n’ait encore été trouvée.
«Au problème de nature technique s’ajoute vraisemblablement la difficulté d’obtenir un crédit supplémentaire», commente Giampiero Gianella, chancelier du canton du Tessin et secrétaire de la communauté de travail Regio Insubrica. Du côté suisse et tessinois, on n’a guère d’autre choix que de «faire part de nos préoccupations», comme par exemple le 13 juin à Rome lors de la réunion annuelle de coopération transfrontalière italo-suisse. Suite aux retards accumulés sur le versant italien du chantier, le nouveau raccordement ferroviaire ne pourra être mis en service fin 2014 comme convenu, ont communiqué récemment les CFF.
En même temps que la polémique autour du chantier ferroviaire explosait au Tessin la colère des milieux de la construction face à l’afflux d’artisans arrivant de la Péninsule, indépendants ou détachés par une entreprise. En 2012, ils sont en hausse de 43% par rapport à 2011, et leur nombre devrait dépasser les 38 000 unités d’ici à la fin de l’année en cours (23 000 en 2012), selon les projections.
«Est-ce une situation temporaire, provoquée par la crise économique qui frappe durement nos voisins? se demande Giampiero Gianella. Elle n’était pas prévisible il y a quelques années, et il faudra trouver des solutions au niveau fédéral.» L’Union des associations de la construction du Tessin (UAE) menace maintenant de boycotter l’engagement d’apprentis pour l’année 2013/2014 et de bloquer les impôts si le gouvernement cantonal n’intervient pas d’ici à fin juin, notamment en fermant le site internet où les artisans italiens peuvent s’annoncer en ligne pour exercer une activité lucrative de brève durée (moins de 90 jours).
Les milieux de la construction ont le soutien de politiciens au-delà des frontières partisanes. «Cessons de dérouler le tapis rouge», déclarent ainsi en chœur un député UDC, le président du PS et syndicaliste, Saverio Lurati, et le coordinateur des Verts tessinois, Sergio Savoia, qui demandent l’obligation pour les artisans italiens de se présenter personnellement aux autorités cantonales à Bellinzone.
Certaines propositions ont des relents de chasse aux sorcières: un député PDC veut publier les noms des artisans «hors la loi» (non déclarés ou pratiquant des tarifs trop bas), et la Lega veut publier les noms des Tessinois qui ont recours aux services des padroncini («petits patrons»). «C’est la guerre», commente le quotidien Corriere di Como, qui consacre tout un dossier aux relations Tessin-Italie.
Et le gouvernement cantonal dans tout ça? Il a instauré un groupe de travail pour étudier des mesures et promet un rapport d’ici à fin août. Le président du gouvernement, Paolo Beltraminelli, a déjà anticipé certaines pistes: obligation d’annonce aux douanes pour les padroncini, TVA aussi sur les montants inférieurs à 10 000 francs, hausse des impôts pour les frontaliers.
En attendant, le canton vient d’annoncer une hausse des amendes pour les «petits patrons» ou pour les entreprises envoyant des artisans, qui pourront atteindre 40 000 francs dans des cas extrêmes. Cela suffira-t-il à calmer les esprits en Suisse italienne, où l’exaspération monte face à une Italie qui prend sans donner, selon la perception de la population?
La Suisse figure toujours sur les listes noires de la Péninsule qui pénalisent les entreprises tessinoises, et le partage des impôts à la source des frontaliers entre la Suisse et l’Italie (qui en perçoit environ 38%) n’a toujours pas été rediscuté. Depuis janvier, les négociations fiscales avec Rome sont bloquées, comme l’a confirmé le Conseil fédéral le 10 juin, répondant à une interpellation tessinoise.
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