Le Conseil fédéral refuse de rembourser dès cette année les frais encourus par le canton pour la prise en charge des personnes arrivant d’Italie. Au sud des Alpes, cette fin de nonrecevoir passe mal
Pour l’instant, la Confédération ne remboursera pas le Tessin pour l’intégralité de ses dépenses liées à l’accueil et à la réadmission simplifiée de migrants en Italie. C’est ce que le gouvernement a répondu ces jours au conseiller national Marco Romano (Le Centre). Le député tessinois exhortait Berne à indemniser en totalité le canton dès 2023. «Je suis très déçu par le Département de justice et police d’Elisabeth Baume-Schneider. Le Conseil fédéral utilise des arguments bureaucratiques pour se défiler, manifestant une insensibilité déconcertante. Cela est inacceptable!», déplore Marco Romano, signalant qu’il amènera le thème devant la Commission des institutions politiques dont il est président et à laquelle participe la secrétaire d’Etat à la migration (SEM), Christine Schraner Burgener.
Le Conseil fédéral a répondu à l’élu qu’un éventuel remboursement n’interviendrait pas avant 2024. Les dispositions d’exécution ad hoc qui devraient entrer en vigueur au printemps de l’an prochain doivent encore être édictées, peut-on lire dans son message. «Ce n’est qu’à partir de ce moment que la Confédération pourra soutenir financièrement les centres de départ des cantons, pour autant que les conditions nécessaires soient remplies», indique-t-il.
Or, la pression à la frontière sud monte sans cesse et le Tessin est confronté à des chiffres comparables à ceux de l’urgence migratoire de 2015-2016, fait valoir Marco Romano. «Au Tessin, personne ne dort dans la rue ou à la gare, comme c’est actuellement le cas à Côme; tous les migrants sont logés et nourris», souligne-t-il, précisant que cela a un prix et qu’il n’est pas juste qu’il ne pèse que sur le canton italophone. «Chaque année, plusieurs centaines de milliers de francs sont dépensées pour quelques milliers de migrants», signale-t-il. «Pour les caisses cantonales, ce n’est pas rien. Le Tessin doit gérer cette problématique uniquement à cause de sa position géographique, alors que l’arrivée de migrants concerne tout le pays.»
Après le refus de Berne, le chef du Département des institutions tessinois, Norman Gobbi (Lega), a écrit aux conseillères fédérales Elisabeth Baume-Schneider et Karin Keller-Sutter. «Notre intention est de faire comprendre au gouvernement suisse, dans un esprit fédéraliste, la valeur politique de l’engagement du Tessin dans la gestion du flux migratoire à la porte sud du pays, en particulier en ce qui concerne les procédures simplifiées de réadmission avec l’Italie», explique-t-il. Grâce à une gestion efficace et professionnelle, le Tessin a limité au maximum la migration illégale de transit à travers la Suisse, considère le conseiller d’Etat. «Cela en assurant la sécurité du territoire et en évitant aux autres cantons de devoir faire face à une affluence de migrants, avec tous les problèmes et dépenses qui en découlent.»
Un coût de 4,5 millions de francs
Sur la base d’accords de durée limitée établis au début de l’urgence migratoire en 2016, la Confédération a contribué pour un montant d’un peu moins de 1,5 million de francs aux dépenses engagées par le Tessin entre 2017 et 2019. Mais les frais totaux pour la gestion et la sécurité du centre de réadmission simplifiée entre 2016 et 2022 s’élèvent à un peu plus de 6 millions de francs. «Le calcul est vite fait: les coûts supplémentaires supportés par le Tessin sont d’environ 4,5 millions de francs. Attendre plus longtemps – pour un canton qui financièrement fait face à plusieurs difficultés – n’est plus admissible», martèle Norman Gobbi.
D’autant qu’une base légale entrera en vigueur prochainement pour assurer ce dédommagement. En effet, une motion présentée en 2017 par l’ex-conseiller aux Etats Fabio Abate (PLR) a été adoptée en 2022. Elle demande à la Confédération la création d’une base légale permettant de soutenir financièrement les cantons qui gèrent des logements temporaires accueillant les étrangers devant être renvoyés dans un Etat voisin en vertu d’un accord de réadmission. Dès lors, le département de Norman Gobbi a adressé une demande de soutien financier aux autorités fédérales, à l’Office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières (OFDF) et au Secrétariat d’État aux migrations (SEM), sans succès, rappelle-t-il. «Le Tessin demande à être reconnu pour son engagement extraordinaire et indispensable à la sécurité intérieure du pays, et servant les intérêts de tous les cantons», réitère-t-il.